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Le pétrole, le dollar, le yuan, des paradigmes

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Le pétrole, le dollar, le yuan, des paradigmes

Quelle stratégie pour les Etats-Unis dans les défis en cours ?

Un spécialiste américain écrit dans le journal Le Monde du 8 avril 2003 : « A présent que les forces américaines se trouvent dans Baghdad, qu?il nous soit permis de placer les événements actuels dans une perspective historique.

En un sens, comme l?a fait remarquer le professeur Eliot Cohen de l?université John Hopkins, nous sommes entrés dans la quatrième guerre mondiale. Plus qu?une guerre contre le terrorisme, l?enjeu est d?étendre la démocratie aux parties du monde arabe et musulman qui menacent la civilisation libérale à la construction et à la défense de laquelle nous avons ?uvré tout au long du XXe siècle, lors de la première, puis de la deuxième guerre mondiales, suivies de la guerre froide ? ou troisième guerre mondiale. J?espère que sa durée n?atteindra pas les quarante ans et plus de la troisième guerre mondiale, mais il est certain qu?elle durera plus longtemps que la première et que la deuxième. Il faut probablement envisager plusieurs décennies. » Il est vrai qu?il y a à redire sur l?instauration de la démocratie dans les 22 Etats arabes que compte le monde musulman, mais clamer haut et fort que la guerre au Proche et Moyen-Orient est une guerre de la liberté contre la tyrannie, c?est tomber dans un simplisme réducteur. Cet auteur poursuit : « L?Amérique doit convaincre les populations du Proche-Orient que nous sommes de leur côté, exactement comme nous avons convaincu Lech Walesa, et Vaclav Havel, et Andreï Sakharov que nous étions de leur côté. Ce qui prendra du temps. Ce qui sera difficile. Nous sommes conscients d?inquiéter les terroristes, les dictateurs et les autocrates. Nous voulons qu?ils soient inquiets. Nous voulons qu?ils comprennent que l?Amérique est aujourd?hui en marche, et que nous sommes du côté de ceux qu?ils redoutent le plus, leurs proapres peuples. » Qu?en est-il aujourd?hui ? Du discours triomphateur, que reste-il ? Peu de choses ! Force pour nous de constater que ces slogans grand public ont vécu, ils ne doivent leur rhétorique qu?à l?euphorie de la victoire qui a succédé à la chute de Baghdad. Ceci étant, il est vrai que l?Amérique est aujourd?hui en marche pour des visées qui n?ont rien à voir avec les visées messianiques qui se manifestèrent en avril 2003. Une étude de la situation interne et externe de l?Amérique, du contexte dans lequel les motifs militaires et les raisons politiques et économiques se conjuguent, sont à même de nous expliquer pourquoi tout cet étalage des forces hostile au Proche et Moyen-Orient depuis 2001. Et pourquoi l?Administration américaine s?entête dans sa politique aventuriste malgré les déboires dans sa campagne en Irak ? En 2007, la situation ne cesse de se dégrader, l?Iran est en ligne de mire, la situation économique mondiale est affectée, le dollar est en baisse continue. Rien ne semble capable d?enrayer la spirale haussière de l?euro, ni celle du pétrole, celui-ci n?est pas loin des pics de 1980. Les Européens, en créant l?euro pour se libérer des dysfonctionnements du dollar et de ce qui en découle ? les déficits américains ?, n?ont pas pensé que leur monnaie pouvait servir de variable d?ajustement des déséquilibres économiques mondiaux. Pour comprendre ce processus, tant stratégique qu?économique, un examen de la situation économique mondiale dans un premier temps peut nous amener à mieux appréhender les liens économiques et financiers entre les puissances. Donc d?éclairer les ressorts qui sont à l?origine de la baisse du dollar et la hausse du cours du pétrole, et des conséquences qui résultent dans les rapports réciproques entre les puissances occidentales, les pays émergents et les pays pétroliers. Dans un deuxième temps, une réflexion s?attachera à étudier les perspectives contenues dans ce nouveau processus, un processus inédit qui peut étonner à plus d?un titre car non seulement elle donne une visibilité des enjeux en cours, mais surtout tente de déchiffrer « la stratégie des Etats-Unis dans les défis en cours » Voilà plus de quinze ans que l?économie américaine enregistre de façon systématique des déficits de balance des paiements courants.

1. Une configuration macroéconomique mondiale inédite et pleine de paradoxes

Fondamentalement liés à la faiblesse de l?épargne américaine et, couplés au creusement du déficit budgétaire, ces déséquilibres courants sont longtemps restés soutenables grâce à l?appétit de l?économie mondiale pour les titres publics ou privés américains, compte tenu des rendements offerts, mais aussi à cause de la situation privilégiée du dollar dans le commerce mondial. Depuis 2001, la politique économique américaine a opéré une stupéfiante volte-face. Les vannes monétaire et budgétaire ont été ouvertes à fond. La première est pilotée par la Federal Reserve (banque centrale américaine). Par un mouvement d?une extraordinaire ampleur, la FED ramène son principal taux directeur de 6% à 1%, entraînant l?ensemble des taux dans le mouvement, avec un impact certain sur la consommation. La seconde, c?est le confortable excédent de 224,8 milliards de dollars hérités de l?ère Clinton qui va s?effondrer et passer à 40,7 milliards en 2001. En 2002, cet excédent est lui-même remplacé par un imposant déficit de 254 milliards. Le déficit de la balance courante américaine, qui était de 413 milliards de dollars en 2000, 386 milliards en 2001, 474 milliards en 2002, 530 milliards en 2003, 666 milliards en 2004 et double en 2005, est de 804,9 milliards de dollars. En 2006, le déficit courant se creuse encore, il s?élève à 856,7 milliards de dollars (données du département du Commerce américain). C?est la cinquième année de suite que la balance des comptes courants, qui prend en compte le commerce extérieur et les transferts de revenus, affiche un déficit record. Celui-ci a représenté 6,5% du produit intérieur brut (PIB) américain en 2006, ce qui est là aussi un record, après 6,4% en 2005. Quant au dollar, sa position de monnaie mondiale va être sérieusement malmenée par la nouvelle monnaie européenne, l?euro, lancée en janvier 1999. En effet, de ses plus bas niveaux à 0,84 dollar en 2000, l?euro va remonter pour atteindre pour la seconde fois à la mi-novembre 2003, son plus haut niveau historique face au billet vert : 1,1956 dollar. Il aura progressé de 40%. En février 2004, l?euro est à 1,30 dollar. Entre 2004 et 2006, il se maintient à quelques exceptions près au-dessus de son cours historique de 1999. Le 8 novembre 2007, l?euro connaît une ascension fulgurante, il atteint un nouveau record de 1,4731 dollar. Mais le problème monétaire n?est pas seul dans la partie, il y a aussi le cours du baril de pétrole qui, depuis 2000, ne cesse de s?apprécier. En octobre 2004, la barre des 54 dollars est franchie. En août 2005, un autre record de 70,85 dollars. Lors de la guerre du Liban en août 2006, le cours a frôlé les 80 dollars le baril. Et début novembre 2007, il inscrit un nouveau record de 98,62 dollars, se rapprochant de son record absolu atteint en avril 1980 à 101,70 dollars, en prix ajustés à l?inflation, un an après la révolution iranienne et au tout début de la guerre entre l?Iran et l?Irak. Cette situation inédite appelle deux remarques. En premier lieu, l?essentiel du bouclage macroéconomique de l?économie américaine ne peut désormais provenir que des interventions massives des banques centrales asiatiques. En 2004, la Banque de Chine a financé les déficits pour un montant de 886 milliards de dollars (European Central Bank, 2005). L?économie américaine absorbe aujourd?hui plus de 70% des transferts d?épargne internationaux. Comment se fait-il alors que le dollar soit pris dans une spirale de dépréciation si ce « bouclage » est bouclé ? Force est de constater que non, puisque l?énorme déséquilibre courant américain continue d?être réduit par un ajustement nécessaire à la baisse du dollar. De plus, on est en droit de se poser la question : « Jusqu?à quel niveau ira la dépréciation du dollar ? ». En second lieu, pourquoi le renchérissement du pétrole ne connaît pas lui aussi de limites ? Ce sont essentiellement les pays exportateurs de pétrole, au détriment des pays consommateurs essentiellement industrialisés, qui tirent profit de la hausse des prix. Il est vrai qu?un dollar déprécié diminue la valeur réelle du baril de pétrole. Si on comparait les cours moyens annuels du taux de change euro/dollar et du baril de pétrole des années 2002 et 2007, respectivement un baril à 25 dollars pour un euro à 0,94 dollar et un baril à 75 dollars pour un euro à 1,35 dollar, on verrait que si en 2002 le baril de pétrole revenait à 26,5 euros, en 2007, le baril revenait à 55,5 euros. Soit plus du double, donc un manque considérable à gagner pour l?Europe, le Japon ou la Chine. Un véritable transfert de pouvoir d?achat s?est opéré au profit des pays producteurs de matières premières, en particulier les pays pétroliers. Une remarque cependant : même si le dollar est la monnaie de facturation des matières énergétiques, des pays comme l?Iran, la Russie et d?autres ne sont pas tenus de vendre leur pétrole en dollars. Ils peuvent avoir la préférence pour leur monnaie nationale, l?euro ou même le troc comme on peut le supposer pour le tandem Iran-Chine ou Soudan-Chine, compte tenu des relations stratégiques qui lient ces pays. De plus, la vente ou le troc se font toujours aux taux de change et au cours du pétrole en vigueur dans les marchés internationaux. La valeur des ventes n?étant pas changée, seule la demande des dollars américains est moindre sur les marchés monétaires. Quant aux Etats-Unis, qui ont la haute main sur les gisements pétroliers et en particulier du monde arabe, ils ont toute latitude de faire marcher la planche à billets pour non seulement régler leurs importations mais d?agir sur la valeur du dollar. Pourtant, même avec ce privilège exorbitant, la superpuissance aujourd?hui a du mal à mettre un terme à la crise du dollar. Comment comprendre ce paradoxe ?

2. Le système de Bretton Woods II

- L?équilibre de la terreur financière Le déficit considérable du compte courant de la balance des paiements des Etats-Unis en augmentation constante et l?accumulation subséquente d?excédents dans la plupart des autres régions du monde, constituent l?un des paradoxes le plus saillant en ce début de troisième millénaire. La plus grande puissance, qui plus est la principale superpuissance militaire, est devenue le plus grand débiteur du monde. Ce déficit persistant a entraîné une nette détérioration de la position extérieure américaine. En effet, dans un article précédent « Le monde arabe sur le fil du rasoir », dans El Watan du 29 au 31 octobre 2006, on a montré comment la position extérieure nette américaine s?est détériorée. En effet, si les Etats-Unis restent bénéficiaires nets de revenus d?investissements du monde (30 milliards de dollars en 2004, après 46 milliards en 2003) en raison du rendement supérieur des actifs américains détenus à l?étranger, une détérioration de leur position était néanmoins attendue à court terme. L?accentuation de l?écart entre les avoirs américains et leurs engagements bruts tendent à faire diminuer cette position créditrice des Etats-Unis. L?OCDE estimait à l?époque que ce solde serait très légèrement déficitaire en 2005, passant à -0,2% du PIB en 2006. Ce qui signifie que, pour la première fois depuis près d?un siècle, les Etats-Unis deviendraient des payeurs nets de revenu de facteurs. De plus, la situation du déséquilibre courant américain se joue essentiellement entre les Etats-Unis, les pays asiatiques, dont la Chine et le Japon, et dans une certaine mesure, les pays pétroliers arabes. Cette configuration a eu pour origine la fuite d?une bonne partie des investissements directs étrangers privés et les placements en actions privées en provenance d?Europe et leur remplacement par les instances officielles asiatiques et arabes dans des titres publics américains. Les interventions de change des banques centrales asiatiques qui ont soutenu le dollar, ont fourni de manière artificielle un stimulant supplémentaire aux importations américaines, en particulier de produits asiatiques bon marché. Pour les pays arabes, leur situation, bien qu?elle est plus obscure sur le plan des investissements aux Etats-Unis, n?est pas loin de celle qui rattache l?Asie à l?Amérique. Quant aux Européens, hors de ce processus nouveau et sur la défensive, ne sachant comment agir contre la hausse continue de l?euro et du cours du baril, ils restent dans l?expectative d?une issue, confinés dans la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), garante de la stabilité monétaire, donc des prix. La question qu?on a posé sur les déséquilibres de l?économie américaine : jusqu?à quand ? Le déficit courant américain s?est résorbé une fois en 1980, une seconde fois en 1991, mais depuis, le déficit courant est en croissance constante avec en sus une dette extérieure nette négative. Une explication à l?apparition de ces grands déséquilibres et aux importantes modifications qu?ont connues les mouvements internationaux de capitaux a été donnée par Mike Dooley, David Folkerts-Landau et Peter Garber de la Deutsche Bank. Selon ce courant influent dans la littérature économique, le système international actuel peut même être assimilé à un « nouveau Bretton Woods ». Plusieurs pays d?Asie de l?Est, dont la Chine, appliquent un cours de change fixe ou quasiment fixe par rapport au dollar, ce qui évoque un étalon-dollar informel. Comme dans le régime initial de Bretton Woods, les Etats-Unis peuvent encore être considérés comme le « centre » qui jouit du privilège d?émission de la principale monnaie de réserve internationale et les pays de la « périphérie » sont disposés à acheter ces dollars afin de réaliser leur stratégie de rattrapage. Cette thèse nous renvoie à l?après-Seconde guerre mondiale quand l?Europe meurtrie et le Japon, des économies en ruine, se relevaient difficilement de la faillite d?après-guerre. Toutes leurs monnaies étaient dévaluées et inconvertibles, la convertibilité pour certaines ne s?est opérée qu?en 1958, seule la valeur du dollar américain était garantie par la convertibilité, à un cours fixe, vis-à-vis de l?or. Une similitude certes existe entre les deux Bretton Woods, sauf que le découvert du compte courant de la balance des paiements ne concernait pas la périphérie mais bien le centre, contrairement à ce qui fut après 1945. A cette époque, ce sont les Etats-Unis qui ont déployé tous les efforts pour aider à la reconstruction de l?Europe, alors qu?aujourd?hui, c?est l?Asie qui aide les Etats-Unis à financer ses déficits, ce qui n?est pas sans conséquences. Mais ce n?est là qu?un différé dans le temps, puisque l?Europe devenue compétitive a aussi soutenu les déséquilibres américains jusqu?à ce que hérissée par le coût, elle décida de ne plus acheter de dollars. C?est ainsi qu?une décision unilatérale de la superpuissance mit fin, le 15 août 1971, au Bretton Woods, le dollar, comme toutes les autres monnaies, cessait d?être convertible en or. Néanmoins, nombre d?économistes européens récusent le Bretton Woods II et le taxent d?affabulation ; ils conseillent une politique de change contra-cyclique de l?euro allant à l?encontre de la politique monétaire de la BCE. A ceux-là, il faut poser simplement la question : « Quelle a été la raison première qui a inspiré les autorités monétaires européennes à créer l? ??euro??, un processus qui a duré plus de cinquante ans ? » Selon l?ancien ministre des Finances de Bill Clinton, Larry Summers, l?Asie et les Etats-Unis sont condamnés à se soutenir mutuellement. Il décrit cette situation comme étant « un équilibre de la terreur financière », puisque les Asiatiques seraient tenus de poursuivre leurs acquisitions de titres publics américains malgré un risque de change croissant pour le dollar, faute de quoi, ils déclencheraient eux-mêmes un krach dont ils seraient les principales victimes. Sans compter qu?en cas de rupture d?équilibre, tout le monde y perdrait, une crise financière entre les Etats-Unis et l?Asie entraînerait un krach mondial.

3. L?enjeu du pétrole dans la configuration macroéconomique

Aujourd?hui, le pétrole n?arrête pas d?augmenter. Pourquoi ? On invoque les stocks américains qui diminuent ! Ou une demande mondiale très soutenue ! Des raffineries qui peinent à suivre ! Un environnement géopolitique instable qui menace le Proche et Moyen-Orient ! La Turquie qui cherche un droit de poursuite contre le PKK à l?intérieur-même du territoire irakien ! La menace de guerre en Iran ! Grèves ou incendies dans des puits offshore ! Etc. Toutes ces raisons tiennent-elles la route pour justifier de telles hausses ? Pourtant, nombre d?analyses économiques ont démontré que ce sont encore les déficits courants américains qui en sont les véritables causes. Les déficits courants américains ne sont pas couverts totalement et ne le sont ces dernières années qu?à hauteur de 80%. Selon des données occidentales, il faut au moins 1,8 milliard de dollars quotidiennement pour couvrir les besoins financiers des Etats-Unis. On peut penser que les Etats-Unis monétisent une partie des déficits (non couverts par les capitaux étrangers), c?est-à-dire en usant de la planche à billets, ce qui se traduit inévitablement par une dépréciation du dollar sur les marchés monétaires.Cependant, pour pondérer cette dépréciation, il existe un mécanisme qui influe favorablement sur la monnaie américaine. C?est la relation pétrole-dollar. On explique habituellement le lien positif entre le prix du pétrole et le dollar par le comportement d?épargne des pays exportateurs de pétrole. Une hausse du prix du pétrole élève les recettes d?exportations de ces pays, lesquelles ne sont pas entièrement dépensées. L?épargne ainsi constituée est placée sur les marchés internationaux de capitaux. Or, les pays exportateurs de pétrole ont une préférence marquée pour les placements en dollars. Ainsi, la hausse du prix du pétrole conduit à une augmentation de la demande mondiale pour les actifs libellés en dollars, laquelle dépasse la dégradation du solde extérieur des Etats-Unis liée au renchérissement de la facture pétrolière : le dollar s?apprécie. Mais aujourd?hui, pourquoi cette logique ne joue-t-elle plus ? Deux explications s?imposent : La première, c?est ce qui a été dit précédemment, plusieurs pays pour différentes raisons ont opté de vendre soit dans leur monnaie nationale, soit en euro ou simplement par l?échange de marchandises et services contre le pétrole (le troc). Conséquence : la diminution de la mobilisation des dollars sur les marchés monétaires par les pays consommateurs de pétrole pour le règlement des factures pétrolières, ce qui se traduit par une réduction des placements en dollars. La deuxième, c?est l?apparition de la Chine dans les marchés monétaires. Du côté des marchés monétaires, la Chine est devenue premier détenteur mondial de réserves officielles de change, détrônant le Japon en mars 2006. Opérant un régime de change du yuan pratiquement fixe par rapport au dollar, la Chine a tout intérêt à s?opposer à l?appréciation du dollar. En effet, une diversification de ses réserves de change qui jouerait dans la dépréciation du dollar, lui assurerait une compétitivité commerciale. Le processus est simple : « Plus le cours du baril est élevé, plus les billets verts sont demandés sur les marchés monétaires pour le paiement des importations pétrolières. La diminution de la monnaie américaine sur les marchés entraîne de facto son appréciation. La Chine comme d?autres pays asiatiques qui ont intérêt à s?opposer à l?appréciation du dollar pour le même motif, peuvent convertir sur les marchés une part de leurs réserves en euros, cette injection de dollars sur les marchés monétaires compenserait ainsi une partie de cette diminution. » Ce mouvement peut faire tache d?huile et entraîner d?autres pays à se dégager du dollar. La Banque centrale de Suède (Riksbank) a annoncé en avril 2006 avoir procédé à une diversification de ses réserves, au bénéfice de l?euro et au détriment du billet vert. La part de l?euro dans ses coffres passe à 50% contre 37% précédemment et celle du dollar recule à 20% contre 37%. On comprend ainsi pourquoi ce mécanisme ne joue pas, néanmoins la hausse du cours du baril tempère quand même la dépréciation du dollar. De plus, le transfert du pouvoir d?achat aux pays producteurs booste l?économie mondiale. Evidemment, ce mécanisme requiert l?adhésion des pays producteurs de pétrole à investir les excédents des balances des paiements en titres américains, surtout publics (bons de Trésor), car sans celle-ci, le mécanisme ne marcherait pas et les Américains n?auraient alors aucun intérêt d?un pétrole cher. S?il existe un équilibre aujourd?hui encore soutenable par une dette extérieure américaine nette déjà négative et croissante, il reste que la constance des déficits courants américains amènerait tôt ou tard une insoutenabilité, donc une situation grave pour l?ensemble de l?économie mondiale et en particulier pour le tandem Etats-Unis-monde arabe. Il faut se rappeler ce qui s?est passé en 1985 avec le contrechoc pétrolier qui a suivi : de 40 dollars en 1980, le pétrole est tombé à moins de 10 dollars le baril en 1986. A cette époque, le monde arabe était gravement et doublement pénalisé, à savoir : la baisse vertigineuse du cours du baril conjuguée à un taux de change du dollar divisé par deux. On doit se rappeler aussi de la réunion des grands argentiers du monde en septembre 1985, à l?Hôtel du Plaza à New York, qui avait pour objet l?atterrissage en douceur du dollar. Le dollar valant 4 FF en janvier 1980, est passé à plus de 10 FF en mars 1985, soit avec la nouvelle monnaie européenne, 1 euro pour 0,5 dollar. En 1986, il passait à 6,6 FF et en 1987 à 6 FF, soit près de 1 euro pour 1 dollar. Ce change était valable pour toutes les autres monnaies européennes. Quel a été le contenu des « accords du Plaza », sinon d?amener le dollar à baisser sans remous. Le dollar étant en hausse, il fallait au contraire plus de billets verts sur les marchés monétaires pour dégonfler la monnaie américaine. En d?autres termes, l?économie américaine n?avait pas besoin de recycler des pétrodollars, donc d?excédents pétroliers. De plus, les déficits courants à l?époque ne mettaient pas en danger la monnaie US, ils étaient largement financés par les fonds d?Europe, du Japon, du monde arabe et par un endettement massif du reste du monde. L?économie mondiale était en berne à cette époque. En 1985, la Communauté économique européenne (CEE) enregistra son plus haut taux de chômage. C?est pourquoi la politique économique américaine opéra un tournant à 180°, une reprise économique est devenue une nécessité pour sortir de la crise. Un pétrole à bas prix était non seulement requis, mais imposé par la conjoncture, ce qui explique la chute des cours pétroliers en 1986 et le deal conclu entre les puissances du G5 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Angleterre, France) réunies au Plaza. Ce qui n?est pas le cas aujourd?hui, les donnes ont changé du tout au tout avec les déficits courants américains.

4. La Chine fait pièce à la stratégie US dans la course aux gisements

La Chine est une puissance émergente depuis qu?elle a retrouvé une stabilité interne et qu?elle s?est orientée dès les années 1980, vers une politique de révision du maoïsme et d?ouverture sur l?étranger, dictée par un contexte mondial dominé par un ultralibéralisme pur et dur. Cette doctrine économique caractérisée par un « laisser-faire total », apanage des Etats-Unis, tend à devenir une règle dans les échanges internationaux. Les réformes économiques radicales qui ont prévalu eurent un succès indéniable : la croissance du PIB s?étage de 9 à 10% par an, parfois plus, sur une vingtaine d?années et qui ne se dément pas en 2007. Le succès économique chinois resterait inexpliqué si cette économie d?ouverture n?était pas soutenue par le potentiel d?une main- d??uvre pléthorique, rapidement qualifiée et à très bas prix. C?est un peu le miracle japonais des années 1960 et 1970 qui se transpose dans l?Empire du Milieu. Grâce à l?essor économique et aux plus-values de ses entreprises, la Chine attire chaque année des investissements étrangers (IDE) considérables. Avec ses excédents commerciaux, les réserves monétaires chinoises atteignent plus de 1000 milliards de dollars au troisième trimestre 2006. Des réserves en dollars et en bons de Trésor américains avec une prospective de 1500 milliards pour les jeux olympiques en 2008. La monnaie chinoise est ancrée à un panier de monnaies dont le dollar constitue l?essentiel. La Chine, déjà quatrième puissance économique mondiale devant la France et la Grande-Bretagne, s?achemine vers la troisième place devant l?Allemagne. En contraste, la prospérité occidentale s?essouffle, le taux de croissance de l?Europe s?est peu à peu affaibli, les États-Unis dont le taux de croissance est à peine meilleur, fluctuant entre 3 et 4% depuis au moins deux décennies, vivent au-dessus de leurs moyens en finançant leur dépense nationale par un déficit budgétaire croissant, pas moins que celui des paiements extérieurs et notamment de la balance commerciale. Un point noir cependant au tableau florissant de la Chine, c?est la pénurie angoissante d?énergie tout comme les Etats-Unis. La Chine est deuxième consommateur mondial après les Etats-Unis. Elle endure en particulier un manque d?hydrocarbures, auquel elle ne peut suppléer qu?à long terme par des énergies renouvelables et par une production électrique d?origine nucléaire. La Chine est le deuxième producteur de charbon au monde, après les Etats-Unis, mais cette ressource ne couvre que 50% des besoins. C?est pourquoi ses importations en hydrocarbures sont en augmentation constante. En 2006, elles représentent 45% de la consommation annuelle. Ses importations sont diversifiées, elles proviennent surtout du Golfe arabo-persique (Arabie Saoudite et Iran), d?Asie centrale (anciennement soviétique), d?Indonésie, de Russie et d?Afrique. En 2006, la Chine est devenue le deuxième importateur du pétrole africain, derrière les Etats-Unis. La pénétration chinoise au Golfe persique devient de plus en plus précise. L?Iran, sur qui les Etats-Unis font planer une menace de guerre (la crise du dossier nucléaire), est devenu un partenaire pétrolier privilégié de la Chine. En échange du pétrole, la Chine exporte des biens et technologies, en particulier de l?armement (missiles, technologies, etc.) pour l?Iran. Les sociétés pétrolières, toutes nationales, mais se comportant en entreprises privées, entrent en concurrence directe avec les « majors » américaines. Elles interviennent même dans le précarré américain, en négociant avec l?Arabie Saoudite la création de stocks de pétrole saoudien en Chine. Mais c?est en Afrique que sa présence se fait ressentir avec plus d?acuité et de succès. Les importations croissent à partir de l?Afrique à raison de 25% en 2006, contre 15% en 1986. Une pénétration en force en Angola et plus encore au Nigeria. Les Chinois font preuve d?une extrême prudence et procèdent à l?acquisition des hydrocarbures par des moyens commerciaux et financiers, en cherchant à éviter toute confrontation avec les Etats-Unis et les Européens. La stratégie chinoise consiste à s?adresser aux ressources en hydrocarbures d?un pays, en investissant dans les secteurs de l?énergie et des infrastructures avec des contrats à long terme. En usage courant, cette stratégie se traduit par une activité soutenue de sociétés nationales de génie civil. Les entreprises chinoises font venir leur propre main-d??uvre, suffisamment qualifiée, mais d?un coût dérisoire par rapport à celle des Occidentaux. La compensation est fréquemment réalisée par des achats de pétrole. Les sociétés occidentales de génie civil, quelles que soient leurs nationalités, ne peuvent soutenir la concurrence et sont éliminées. De plus, les Chinois acceptent même d?allouer des prêts sans intérêts, voire des remboursements par des exportations futures de pétrole.

Le problème du Darfour présente un sujet de litige extrêmement sérieux entre Chinois et Occidentaux, notamment les Américains particulièrement impliqués.

Le litige est complexe, car s?il pose des questions de droits de l?homme, des affrontements religieux et des tendances sécessionnistes, il y a, en arrière -fond, le problème du contrôle des ressources pétrolières. Le Darfour et le Sud du Soudan, peuplés de populations chrétiennes, animistes ou musulmanes modérées, sont en état de sécession vis-à-vis de Khartoum qui ne peut admettre la moindre velléité d?indépendance et même d?autonomie. Le Nord, le Centre et l?Est ont un peuplement se rapprochant du fondamentalisme islamiste, il en découle une guerre civile dont la ressource pétrolière concentrée dans le Darfour est un enjeu principal. Les Américains, après avoir été présents au Darfour, tant par le prosélytisme de leurs associations évangélistes que par leurs ONG et encore plus par leurs compagnies pétrolières, ont été contraints à l?évacuation. Le risque et les pertes devenaient trop forts, alors que la guerre en Irak mobilisait un potentiel trop important. Dans le vide ainsi créé, se sont engouffrés les Chinois, soutenant Khartoum, en exploitant la richesse pétrolière locale dont ils tirent 6% de leurs importations annuelles. Leur coopération porte sur les domaines civils et militaires (fournitures d?armement). Les Chinois repoussent l?embargo américain décrété contre le Soudan, ils s?opposent au renforcement ou au remplacement d?une force d?interposition. En accord avec les Russes, ils menacent d?imposer leur veto à une résolution du Conseil de sécurité pas trop contraignante à l?égard de Khartoum. On comprend alors pourquoi l?Iran avec superbe toise les Etats-Unis et Israël et ce, au moins pour cette raison : la Chine est devenue un partenaire stratégique (premier client pour l?Iran) comme elle l?est pour le Soudan et un concurrent acharné pour l?Amérique en matière de contrôle des régions pétrolifères ; la Russie n?est pas en reste, elle vient compléter le tableau en apportant son soutien à l?Iran (l?assistance de la Russie dans la construction de la centrale nucléaire d?une puissance de 1000 MW à Bushehr), raisons commerciales obligent !En ouvrant une parenthèse sur l?Iran, on ne peut douter que le programme nucléaire, en l?occurrence l?usine de transformation de l?uranium d?Isfahan, la centrale de Natanz et tous les autres sites iraniens qui avaient déjà fait l?objet d?un programme ambitieux du temps du Shah, n?a pu se faire sans l?appui des puissances opposées à la domination américaine. De plus un véritable « partenariat stratégique » lie Moscou à Pékin dans le cadre d?une nouvelle coalition régionale, l?Organisation de coopération de Shangaï, l?OCS. Ce partenariat stratégique, complétant le partenariat commercial, fait ressortir la place imprenable qu?occupe l?Iran en Asie centrale, un véritable « cheval de Troie » dans les plans américains. En outre, la doctrine d?endiguement, le « containment » utilisé par les Etats-Unis, s?est paradoxalement retournée contre ceux-là mêmes qui l?ont pensée et mise en ?uvre. D?où l?importance de la position géographique, économique et militaire de l?Iran dans la stratégie de l?OCS en Asie centrale.

- 5. L?arrière-fond de la stratégie pétrolière et gazière chinoise

Cela étant, il faut maintenant comprendre ce que la stratégie pétrolière et gazière chinoise renferme en arrière-fond, c?est-à-dire les conséquences induites de ces prises de marché sur un problème bien plus redoutable pour les Etats-Unis : le dollar et sa pérennité en tant que monnaie de compte et de réserve centrale dans le monde. Du fait même du rôle international du dollar, les marchés internationaux de capitaux et les marchés de change sont fortement dépendants du système américain. Cependant, avec le système actuel de changes flottants, et bien que le statut international de cette monnaie n?est pas encore remis en question sa position s?effrite de plus en plus, surtout depuis les années 2000. Les deux leviers, causes de cet effritement, sont le lancement de l?euro en 1999 qui a bouleversé l?ordre monétaire mondial et la montée en puissance inattendue de la Chine. Pour tenter de comprendre les risques encourus par le dollar américain, il faut préciser que ce n?est pas seulement la volonté tenace de la Chine de pénétrer les marchés des matières premières surtout énergétiques, et donc les gisements, mais surtout de donner une « aura positive » aux relations particulières qu?elle tisse avec ses partenaires surtout d?Afrique et du Proche et du Moyen-Orient. Comme par exemple, l?octroi de facilités considérables aux Etats, l?« effacement de la dette » ? La Chine a jusqu?ici effacé la dette de 31 pays ? ou « d?accorder des prêts préférentiels, voire des remboursements par des exportations futures de pétrole », etc. Et enfin, le mode mis en place pour financer les achats de pétrole par des compensations, c?est-à-dire des réalisations d?infrastructures, des exportations de biens et services à bas prix, des investissements bien plus favorables que ceux des Occidentaux, des contrats à long terme portant aussi bien sur le civil que sur le militaire.Les Chinois ont une préférence pour le troc, car celui-ci leur évite l?usage du dollar qui, par ses fluctuations à la baisse ou à la hausse, parasite les échanges. Et ces fluctuations sont commandées par la loi de l?offre et de la demande de cette monnaie sur les marchés internationaux. Plus la partie des déficits américains non couverte par les capitaux étrangers augmente, plus le dollar US faiblit. Le dollar étant en surquantité sur les marchés monétaires suite à la monétisation des déficits, il déprécie. Par ailleurs, plus le prix du pétrole augmente, plus la demande de dollars américains est grande. Les prix des autres matières premières (or, blé, lait, acier, etc.) suivent cette spirale haussière. Si la Chine opte massivement pour le troc avec ses partenaires commerciaux africains ou proche et moyen-orientaux au coût bien entendu du cours du baril de pétrole, une partie de la masse monétaire américaine dans les marchés financiers, comme on l?a déjà expliqué, reste sans acquéreurs ; par conséquent, le total des excédents des pays exportateurs de pétrole libellés en dollars qui doit retourner aux Etats-Unis se trouve réduit. A cela, il faut ajouter encore les exportations pétrolières de la Russie, du Venezuela, de la Norvège, à la Chine, à l?Europe, à l?Amérique du Sud. ces pays vendent aussi en partie, soit en monnaie autre que le dollar, soit par le troc. Il va de même pour l?Iran et le Soudan qui sont en conflit avec les Etats-Unis. Tous ces pays pour des raisons politiques ou économiques ne sont pas astreints à vendre leur pétrole en dollars. Conséquence : les Etats-Unis sont privés en quelque sorte d?une bonne partie du droit de « seigneuriage » sur le monde, privilège que seul possède jusqu?à présent le dollar. On comprend pourquoi cette stratégie est bien plus redoutable que la création de l?euro, qui lui aussi s?érige en rempart pour l?Europe monétaire contre les attaques spéculatives du dollar. Cette stratégie est susceptible de remettre en cause la pérennité du dollar en tant que monnaie unique de facturation du pétrole. Tout compte fait, si l?on prend en compte les préjudices causés par les fluctuations d?un dollar instable, la vente des matières premières au cours des autres devises ou en troc est considérée bien plus saine que par son intermédiation. C?est ce qui ressort un peu de la politique du « gagnant-gagnant » dans le « partenariat stratégique » prôné par la Chine. Les échanges donc doivent être basés, selon les normes internationales et sur le principe de l?égalité et du bénéfice mutuel. De là, on comprend l?impact de la stratégie chinoise dans le retournement du dollar. Le problème aujourd?hui dans la nouvelle conjoncture qui se dessine appelle deux questions fondamentales : « Quel sens donner à cette baisse rapide du cours du dollar US ? Et à cette hausse continue du cours du pétrole ? »

- 6. Quelle stratégie pour les Etats-Unis ?

A. Sur le plan économique

Forcément, ces deux mouvements rapides et continus du cours du dollar et du pétrole ont une signification précise d?autant que la situation des Etats-Unis aujourd?hui laisse perplexe. Des déficits jumeaux abyssaux, un dollar en baisse, un pétrole à des cours toujours plus élevés et une Amérique mise à mal sur le double plan économique et géostratégique. Donc, quelle vision attribuer à cette équation touchant à la fois l?économique et le stratégique ? L?avenir est-il si sombre pour les Etats-Unis ? A vrai dire, les réponses parlent d?elles-mêmes dans cette dynamique engendrée par l?incertitude qui pèse sur la situation économique des Etats-Unis. Pour la première fois depuis près d?un siècle, les Etats-Unis sont devenus des payeurs nets de revenu de facteurs, ce qui veut dire que malgré le silence sur la dette extérieure, les déficits américains sont déjà insoutenables et nécessitent une solution urgente. Le « système de crédit fournisseur » ou « je vous crédite pour que vous m?achetiez », surtout de la Chine, s?essouffle ; il est particulièrement instable d?autant qu?il y a des frictions sur le yuan. Les Américains accusent le gouvernement chinois de maintenir artificiellement sa monnaie très basse, afin de se procurer un avantage compétitif sur les marchés mondiaux et de soutenir les exportations nationales. De même, depuis la récente hausse très rapide de l?euro en octobre 2007, les ministres des Finances de la zone euro exhortent eux aussi la Chine à réévaluer le yuan. Tous sont unanimes à dire que le yuan ne reflète pas les fondamentaux économiques et appellent la Chine à plus de flexibilité sur sa politique de change. Certes le boom économique de la Chine aurait dû faire grimper le yuan sur le marché des changes, mais la fragilité du système financier chinois et la crainte qu?une forte réévaluation ne handicape ses exportations et donc sa croissance poussent les autorités chinoises à mener avec prudence la politique de change. Si le yuan s?est apprécié ces deux dernières années, cette hausse cependant reste très mesurée.Cette situation est évidemment préjudiciable pour l?économie américaine, un déficit commercial record est atteint en 2006, 764 milliards de dollars dont 232 milliards de dollars, soit plus du quart avec la Chine. Avec le Japon, un déficit record à 88 milliards de dollars, un chiffre qui devrait réactiver aussi les craintes de sous-évaluation du yen. Vis-à-vis de l?Union européenne en revanche, les Américains ont réussi à réduire leur déficit à 116,6 milliards de dollars. Et ni les négociations ni les compromis n?ont pu prévaloir pour aplanir les frictions monétaires avec le géant asiatique. En réalité même avec une réévaluation plus adaptée du yuan aux fondamentaux, il n?est pas dit que la Chine n?ait pas le dernier mot en matière de concurrence commerciale. Au moins pour trois facteurs. Tout d?abord, l?avantage de la Chine se situe dans le prix de la force de travail, 1 pour 32 soit 3,125 % seulement de la force de travail américaine. Selon des données occidentales, le salaire horaire moyen en Chine est de 0,5 dollar, contre 4 dollars au Mexique et 16 dollars aux Etats-Unis. L?autre facteur est la faiblesse de l?épargne des ménages aux USA, ceci est vu et connu et explique d?une certaine façon la crise immobilière américaine. Enfin l?autre facteur tout aussi important, c?est le budget défense, on se doute bien que 737 bases outre-mer nécessitent un budget faramineux. Sans compter les guerres menées depuis 2001. Donc, on ne peut tout mettre sur le compte des manipulations monétaires par la Chine. Il y a une grande part de réalisme dans tout conflit qui oppose les puissances, et puis rien n?interdit à l?Amérique de mener à sa guise sa propre politique monétaire. Cela étant, on entre de plain-pied dans la stratégie des Etats-Unis face aux défis en cours. Qu?observons-nous depuis janvier 2006 ? Le dollar ne cesse de se déprécier et le cours des matières premières d?augmenter. Et si les Etats-Unis ont opté pour un dollar faible, quelles conséquences peut-il entraîner un dollar de plus en plus faible et un cours de pétrole toujours en hausse ? Il est clair que les importations de pétrole vont devenir pour la Chine plus onéreuses, de même un taux de change très faible du dollar va pénaliser ses exportations. Pour deux raisons au moins. Un taux très faible du dollar réduit les importations américaines, et par conséquent les excédents commerciaux chinois. La deuxième raison, la Chine sera obligée de vendre une partie de ces réserves de change en dollars pour ne pas perdre accuser une grosse perte de change. Ce qui accentue encore plus la baisse du dollar. Comme les réserves de change se montent à 1443 milliards de dollars en 2007, les pertes chinoises, tout compte fait, seraient dérisoires par rapport aux avantages que leur aura procurés leur solide croissance économique basée sur l?exportation. Il en va de même pour tous les autres pays d?Asie et des pays arabes pétroliers ayant cumulé des réserves de change depuis au moins cinq années. Evidemment, ce rééquilibrage financier mondial ne va pas se faire en quelques mois, mais prendra quelques années au cours desquelles le dollar peut aller à 2 euros et plus, et tout dépend encore du cours du baril de pétrole qui peut lui aussi monter à 150 dollars, voire plus. C?est précisément le couple taux de change du dollar/cours du pétrole qui peut contribuer indirectement à amoindrir le déficit de la balance des paiements courants américains. Mais la stratégie américaine n?est pas acquise, il faut encore compter sur la nouvelle dynamique enclenchée par la Chine. Avec « l?initiative de Chiang-Maï », un nouveau cadre qui combine à la fois un renforcement des capacités de surveillance et une augmentation de capacité de financement de l?Asie, plus une incontestable percée en Afrique, en Amérique du Sud, au Proche et Moyen-Orient sur tout ce qui touche le pétrole, la Chine devient un concurrent de poids à la puissance économique américaine. A titre d?exemple, la Chine pratique une politique de contournement au dollar, monnaie de facturation des matières premières, à travers des accords bilatéraux. De plus « l?initiative de Chiang-Maï » s?érige en concurrent en tant que fonds capable d?influer sur les rapports de force avec le FMI (et les USA, son principal actionnaire). Sans compter qu?un affaiblissement de l?économie mondiale peut survenir et compliquer encore plus les relations internationales. Ce qu?on peut dire sur ces nouvelles donnes, c?est que le monde est à la veille d?un nouveau paradigme. L?économie mondiale fait sa mue, les géants d?hier ne sont pas les géants de demain. Le nouveau paradigme est celui de l?ouverture à de nouvelles forces grandissantes, l?ultralibéralisme avec la mondialisation prend à contrepied les puissances occidentales. De plus en plus, dans les institutions même qu?ils ont pensé et créé, à savoir l?OMC, le FMI? jusqu?à la création de l?euro, l?Occident s?est enferré, voire assujetti à des réalités économiques qu?il n?a pas prévues. Et s?il est difficile de prédire ce qui va advenir, il est cependant certain que ces nouvelles donnes vont peser à moyen terme sur les rapports Nord Sud et Est Ouest.

B. Sur le plan géostratégique

Au vu des enjeux en cours, les Etats-Unis commencent à renouer avec le pragmatisme,pa donc à comprendre que cette situation est périlleuse à terme. Un changement d?attitude est intervenu dans le dossier du Proche et du Moyen-Orient. Déjà, le deal conclu avec l?Iran se traduit par une baisse notable de la violence en Irak. Les Etats-Unis tout en cherchant à ne pas perdre la face sont en train d?appliquer à la lettre les recommandations du rapport Hamilton-Baker de janvier 2007 avec une volonté, bien que timide, de diminuer les troupes en Irak en 2008. En Afghanistan, on assiste également à une baisse de violence malgré la reprise de l?offensive des talibans en 2006 et poursuivie en 2007. De plus, les Européens aujourd?hui rechignent à envoyer des troupes malgré la demande pressante américaine. Déjà les pays de l?Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ? l?Iran, le Pakistan et l?Inde ont le statut d?observateurs ?, vu les difficultés rencontrées par les 40 000 hommes de l?OTAN (ISAF) et les 7000 marines américains, projettent de prendre la relève. L?OTAN risque un revers sérieux en Afghanistan. Sans compter la Somalie, le Darfour. Il est clair que l?Amérique doit pour sa crédibilité financière et monétaire abandonner des créneaux qui mettent en danger son économie. Bien que d?ordre stratégique, elle ne peut plus financer des campagnes de guerre, la guerre avec l?Iran serait non seulement non rentable mais surtout catastrophique sur les plans financier et économique. On comprend dés lors le revirement de sa politique étrangère. Il existe certes des velléités de guerre avec l?Iran même au moyen d?armes tactiques nucléaires, mais un conflit de cet ordre n?accélèrera que ce qui fut déjà par le passé : elle abandonnera l?Irak et le Moyen-Orient comme cela a été au Vietnam en 1975. On comprend pourquoi aujourd?hui l?intérêt subit par le Centcom pour l?Afrique? et la fin de non-recevoir par la plupart des pays africains. Et le changement politique des Etats-Unis dans le problème palestinien. La configuration géostratégique et géoéconomique étant bouleversée, Israël ne pourra plus constituer un appui sérieux à très moyen terme dans les changements en cours pour la superpuissance.En Asie, la Corée du Nord est en train de démanteler ses installations nucléaires, la coopération a remplacé l?invective, ce qui est de bon augure pour la dynamique en cours.Toutes ces donnes nous indiquent qu?une configuration majeure est en gestation, à l?instar même de la donne économique, et les Etats-Unis y jouent un rôle central. Tout dépend du mode opératoire retenu par l?Amérique et de l?intelligence stratégique pour gérer ses échecs, car il s?agit bien d?échecs pour la superpuissance face aux soubresauts d?un monde en transition.

L?auteur est Chercheur



Medjdoub Hamed
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